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Proposition: un nouveau regard sur l’e-réputation

L’e-réputation est l’un des concepts web les plus à la mode. Elle est définie comme une réputation véhiculée à travers des supports numériques. Sans grands fondements théoriques et surtout académiques, ce concept est vendu par les agences au milieu d’une multitude d’amalgames et de raccourcis.Cet article tente d’évoquer quelques pistes. Sans avoir la prétention de fixer un cadre définitif…

La réputation

Bien avant l’arrivée du web, le concept de la réputation prêtait à débats et confusion. Beaucoup le confondent avec le concept de « l’image » qui obéit à des mécanismes différents : puisqu’elle est désignée comme l’ensemble des souvenirs et des images mentales, qui s’invitent à l’esprit en réaction à un stimulus de n’importe quelle nature. Si nous adoptons cette vision, il parait clair que le processus en ce qui concerne l’image est involontaire. On ne décide pas de la liste des images mentales à convoquer !

Par contre, la réputation est basée sur des opinions. Elle se construit donc, de manière consciente. Il faut au moins 3 étapes pour aboutir à une réputation : exposition (à une information), jugement (avoir une opinion sur l’information) et réputation (lier une opinion à son porteur). Cette opinion peut être exprimée ou non.

L’une des erreurs courantes consiste à considérer la réputation dans l’absolu, sans préciser l’élément qui va la porter ou même le public qui l’adopte.

Thierry Libaert la définit comme « l’ensemble des croyances ou jugements existant au sein du public envers l’entreprise. La qualité de son management, sa solidité financière, sa capacité d’innovation, la qualité de son marketing, de ses produits et services, ses actions de citoyenneté…, forment les composantes de sa réputation.»* Cette définition attire l’attention sur le fait, qu’une entreprise peut être très bien réputée en ce qui concerne « la qualité de son management », tout en ayant une très mauvaise réputation pour ces « actions de citoyenneté »…

Pour ce qui est du public, David Réguer affirme que « Gérer la réputation d’une entreprise, d’une marque, d’une personnalité publique ou morale revient souvent à privilégier une partie prenante et à en « sacrifier » une autre. On ne peut pas plaire à tout le monde. »** George W. Bush ne cherchait pas à plaire à toute la planète lorsqu’il décidait de lancer des guerres de manière injuste et illégale. Il a tout de même entretenu une bonne réputation chez ceux qui l’ont élu à deux reprises.

Le web, change-t-il grand chose ?

Bien que le web ne soit pas le premier média de masse que l’humanité ait connu, il est le premier média à avoir donné un préfixe à la réputation. Formant ainsi ce néologisme qu’est l’e-réputation. Auparavant, personne ne parlait de réputation TV, réputation presse, réputation radio…

Le web représente un monde virtuel. Alors que les personnes exposées à ses contenus sont bien réelles. Si une information négative, à propos d’une personne ou une organisation, circule sur le web, ceci ne voudra en aucun cas dire que les opinions qu’elle va inspirer, seront elles aussi virtuelles. Lorsqu’une personne reçoit une information qui lui est crédible, le moyen de transmission importe peu. L’opinion séjourne dans les esprits non pas sur des disques durs.

A Partir de là, la prétention de certains acteurs qui proposent de nettoyer une mauvaise e-réputation est basée sur une grande confusion. La réputation selon le processus « exposition-jugement-réputation » n’est présente que dans les esprits des humains. Comment peut-on la nettoyer avec des moyens techniques ?

Ceci dit, ce qu’on appelle nettoyage d’e-réputation reste indispensable dans certains cas. Seulement, il faut préciser qu’il s’agit d’une mesure surtout préventive car elle permet d’éviter la première étape qui est « l’exposition ». Le fait d’occulter une information n’a aucun effet « rétroactif ».

Le web, un espace de construction et d’expression

Une vue d’ensemble sur le web permet de définir deux types de supports par rapport à la réputation : des supports de construction et d’autres d’expression.

En revenant toujours au processus « exposition- jugement-réputation », il y a des supports qui interviennent uniquement à la première étape. Ils présentent une information (article, rumeur, vidéo, image…) susceptible d’agir sur les opinions si elle est consultée et approuvée. Ces supports de construction peuvent être des blogs, des moteurs de recherches, des sites…C’est sur ce champ que les agences de « nettoyage » interviennent.

Les supports du deuxième type, sont les plus importants en matière de veille et d’évaluation d’une réputation. Ils donnent la parole au public pour s’exprimer sur n’importe quel thème. Le suivi des réseaux sociaux, forums, commentaires des articles… permet de savoir ce que le public pense et ce qu’il dit de l’entreprise. Lorsqu’un constat révèle une mauvaise réputation auprès d’un public, il faudra s’adresser à lui pour influencer ses jugements. Ça se ferra à travers le web ou à travers n’importe quel autre moyen de communication.

En conclusion, les concepts liés au web présentent beaucoup de phénomènes nouveaux qui seront surement étudiés progressivement. Avant d’avoir des certitudes académiques, il convient d’avancer prudemment sans pour autant restreindre les horizons qui s’ouvrent à nous.

*Thierry Libaert, « Le plan de communication », Dunod, 3ème édition, 2008, p. 118.

**David Réguer, « E-réputation, manager la réputation à l’heure du digital », Dunod, 2011, p.3.

Publication initiale:
http://www.webmarketing-com.com/2013/03/14/19697-proposition-nouveau-regard-e-reputation

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