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La politique de gestion et de communication de crise

La crise multidimensionnelle que notre pays a vécue, principalement durant les années 2020 et 2021 par l’effet de l’épidémie du covid-19, a causé une grande désorganisation et a obligé à de nombreuses mesures exceptionnelles ; lesquelles n’étaient pas suffisamment cadrées sur les plans procédural et réglementaire. De nombreuses zones grises ont poussé les gestionnaires à l’hésitation ce qui a occasionné des lenteurs bureaucratiques insupportables. Une situation qui aurait pu être évitée ou du moins atténuée, si nos organisations pouvaient compter sur des politiques de gestion et de communication adaptées ou adaptables aux situations de crises.

Par définition, une politique est durable dans la vie d’une organisation. Son rôle est de tracer un chemin sur le long terme. La politique définit les choix durables de l’organisation, au point où il est rare de la modifier sauf si un changement significatif apparait dans la société et ses valeurs, ou dans l’environnement en général. Dans la hiérarchie des documents qui guident l’action d’une organisation, la politique se situe au sommet. Elle est suivie dans l’ordre par : la stratégie, le plan et la tactique le tout cadré par des procédures et concrétisé par des techniques. Elle détermine les principes que chacun de ces éléments doit respecter.

La politique fixe les choix, les positions permanentes face à différents sujets. Par exemple, un producteur d’agroalimentaire peut avoir pour principe d’accompagner toutes les fêtes religieuses des algériens. A partir de là, il réfléchira à chaque occasion à une démarche promotionnelle appropriée.

Dans le meilleur des mondes, les organisations sont censées posséder des politiques de gestion et de communication en tout temps. Lorsque la crise éclate, elles vont s’en inspirer pour une gestion et une communication qui correspondent à leurs ADN. Mais comme les organisations qui adoptent cette démarche sont rares en Algérie, il est nécessaire de cadrer leur action en temps de crise.

La politique de gestion de crise peut aborder plusieurs volets. Il ne s’agit pas de prendre les listes qui vont suivre comme des procédures rigides et bureaucratiques, mais comme des exemples de ce qu’une politique peut couvrir. Après, ce qui est déterminant ce sont les aspects que vous voulez couvrir et cadrer. J’ai déjà constaté en arrivant dans une organisation en crise, où régnait une certaine anarchie dans la communication, qu’il était prioritaire d’organiser : la prise de parole médiatique, la relation avec les médias, la remontée de l’information, la vérification scientifique des informations, le processus de prise de décision en matière de communication. La politique de communication que j’y est conçue (après concertation) s’était concentrée sur ces aspects.

La politique de gestion de crise :

Chaque organisation doit énoncer clairement ses priorités, ses valeurs et ses principes qui s’appliquent en temps de crise. Il ne s’agit pas de planifier une réponse à la crise mais de définir le cadre général que tout plan de gestion de crise doit respecter.

Exemples de points que la politique de gestion de crise peut couvrir entièrement ou partiellement :

  • Que préserver en premier ? L’humain, l’environnement, les équipements, la propriété intellectuelle, les informations…
  • Comment financer les opérations ?
  • Dans quels cas les victimes sont-elles indemnisées ?
  • Est-il envisageable d’accepter des aides étrangères ?
  • Est-il envisageable d’accepter des aides venant d’un pays hostile ou ennemi ?
  • Est-il envisageable de demander une aide à la communauté internationale ou à la concurrence ?
  • Quelles sont les lois qui doivent s’activer, et celles qui doivent être gelées durant une crise ?
  • Quels changements dans la hiérarchie entre les personnes et les structures ?
  • Quelle est la politique de rémunération ?
  • En cas de danger sur la vie des intervenants, auront-ils le choix de privilégier leur sécurité personnelle ?
  • Comment gérer le travail à distance ?
  • Quelles sont les fonctions exclues du travail à distance ?
  • Comment rémunérer le travail à distance ?
  • Comment récompenser les efforts en situation de crise ?
  • Décision centralisée ou déléguée ?
  • Comment collaborer avec la société civile, les associations, les universités et centres de recherche ?

La politique de communication de crise :

Elle tend, elle aussi, à définir le cadre général qui guide la planification. Elle assure la cohérence entre les communications de crise et les communications en temps de calme. Elle guide les décisions de communication, pour les actions planifiées ou non-planifiées.

Exemples de points que la politique de communication de crise peut couvrir entièrement ou partiellement :

  • Est-il permis de rémunérer des influenceurs pour qu’ils prennent la parole au nom de l’organisation ?
  • Quels profils d’influenceurs peuvent être sollicités ?
  • Quelle politique de modération sur les médias sociaux ?
  • Est-ce que l’organisation peut s’exprimer à travers tous les médias ?
  • Quelle politique de transparence durant les crises ?
  • Qui sont les porte-parole de l’organisation ?
  • Est-il acceptable de privilégier un média par rapport à d’autres ?
  • Quels sont les symboles qui ne cadrent pas avec l’éthique de l’organisation ?
  • Comment évoquer la responsabilité des victimes et à quel moment ?
  • Est-ce que l’organisation peut recourir à l’achat d’espace ou de temps publicitaire ?
  • Est-il permis aux collaborateurs de participer aux conversations sur les médias sociaux, au nom de l’organisation ?
  • Quel équilibre entre le tribunal de l’opinion publique et le tribunal juridique ?
  • Comment travailler avec les consultants externes ?
  • Quelle politique linguistique ?
  • Quel genre d’images peuvent être utilisées ?
  • Dans quel cas l’organisation peut se permettre des comparaisons avec d’autres situations ou d’autres entités ?

D’une manière générale, les politiques de gestion et de communication de crise permettent de trancher beaucoup de débats, dans la sérénité et avec objectivité. Elles sont nécessaires surtout dans les organisations dont la culture de crise est faible et où la discipline chez les dirigeants et les collaborateurs n’est pas au niveau suffisant. Cependant, les politiques de gestion et de communication ne peuvent cadrer les initiatives et les actions, sauf si le top management veille à leur respect. Malheureusement, tout comme les plans, beaucoup de politiques ne dépassent pas le stade de rédaction et d’impression.

Sur un autre plan, la politique de gestion et de communication de crise peut prévenir la bureaucratie du décideur : lors d’une réunion de préparation à une crise imminente, et tandis qu’un haut responsable d’une organisation avait exigé que ses représentants au niveau des 58 Wilayas du pays, reviennent à lui avant chaque décision, je suis  intervenu pour proposer l’élaboration d’une politique qui allait permettre d’offrir une marge de manœuvre locale, en définissant les aspects où les responsables locaux pouvaient prendre l’initiative et comment devaient-ils s’y prendre. En outre, une politique de communication claire permet de prévenir la rétention de l’information (quand on ne sait pas ce qui est diffusable, on retient tout par excès de prudence), une autre forme de bureaucratie.

Les politiques de gestion et de communication, ne doivent en aucun cas constituer des procédures rigides, ce serait dangereux en situation de crise. Elles tendent au contraire à rappeler les principes importants et les orientations générales dont doivent s’inspirer la planification et la décision en temps de crise. Si le fonctionnement doit changer dans l’urgence, les principes doivent demeurer la boussole qui guide l’action de l’organisation.