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Communiquer dans la complexité : des pistes pour le manager algérien

Durant les dernières années, il nous a été possible d’évoluer auprès de Tops Mangement de différentes organisations. Qu’il s’agisse du secteur privé ou public, d’entreprises ou de ministères, nous avons constaté pratiquement les mêmes conditions dominantes : une complexité accrue qui touche tous les aspects de la gestion et de la décision.  Au vu des nombreuses situations sur lesquelles nous sommes intervenus, nous pensons pouvoir proposer des pistes qui devraient aider le manager algérien à mieux communiquer.

Il y a une année de cela, nous avions écrit un article intitulé « Rendre compte de la complexité : le grand défi de la communication moderne ». Nous y avons tenté de décrire les difficultés que la complexité impose à la communication. Mais aussi comment les pratiques communicationnelles, au sein des organisations ou chez les médias et le grand public, ont contribué à accentuer la difficulté à se faire comprendre, la base de toute communication efficace. A présent, nous allons aborder d’autres considérations opérationnelles qui nous semblent importantes.

Les attentes sont nombreuses :

Lorsqu’on se penche sur les cas de nombreuses organisations en Algérie, spécialement celles qui relèvent du secteur public, un constat se répète souvent : les problèmes, les obstacles, les insuffisances, les besoins, les pressions… sont énormes, au point où les managers ne savent plus où se situent les priorités et par où il faut commencer. Car, comme ils disent, « tout est urgent » ! Mais de l’autre côté, celui du public, il y a des attentes voire des exigences qui sont toutes urgentes et pressentes.

La croyance du « tout est urgent » amène le gestionnaire à vivre au jour le jour et à agir en pompier : il court là où les feux se déclarent sans qu’il puisse en éteindre aucun. Il se rabat par la suite sur la logique des moyens « j’ai couru, et j’ai mobilisé toutes mes capacités ». Face au chaos, la stratégie devient plus indispensable. Même s’il y a des urgences, le manager doit prendre de la hauteur pour pouvoir gérer à deux vitesses parallèles : celle de l’urgence et celle de la stratégie.

L’inévitable séquençage :

Lorsqu’on regarde les nombreux « experts » et commentateurs qui prennent la parole sur des sujets d’intérêt public, on les écoute souvent prodiguer des conseils sur ce qu’il faut faire, sur ce qui est nécessaire dans tel ou tel domaine et sur des insuffisances qui paraissent évidentes. Mais toute personne qui s’est déjà trouvée dans une position opérationnelle, où elle a dû définir et surtout mettre en œuvre une stratégie et un plan, quels qu’ils soient, a certainement compris une évidence que les vrais experts en stratégie connaissent : la nécessité de séquencer.

Séquencer c’est définir un ordre de priorités et une organisation à la fois causale et temporelle des tâches à exécuter. Supposons que face à une situation complexe, un manager soit conscient et convaincu de la nécessité d’exécuter une dizaine de tâches, celles mêmes que les commentateurs recommandent sur les médias. Est-il possible pour lui de lancer les dix chantiers en même temps ? Dans la majorité des cas, cela est impossible ; ne serait-ce que par logique de construction (une action qui sert de base à la suivante).

Donc, le manager sera obligé d’avancer graduellement, en exécutant une tâche après l’autre. Cela peut durer des mois voire des années, durant lesquelles les commentateurs pourront continuer à « vivre » des insuffisances qui restent à combler, entrainant avec eux des médias et des publics.

Les premiers efforts sont invisibles :

Toujours selon l’exigence de séquençage, les premières tâches que le manager exécute sont le plus souvent des préalables. Si par exemple un service est indisponible ou en deçà des attentes, c’est rarement parce que l’organisation refuse de le délivrer. Le plus souvent, il faut réunir des conditions et exécuter des tâches avant de délivrer le service exigé, qui n’est en fait que la partie visible de l’iceberg. Parfois, il sera question de changer la réglementation, de former un comité, de trouver des sources de financement, d’obtenir une approbation et parfois les obstacles peuvent être impossibles à expliquer pour des raisons de confidentialité… pendant que le manager s’attèlera à préparer le terrain et à réunir les conditions, l’environnement externe exigera des résultats immédiats et l’accusera de n’avoir rien fait !

A chacun ses repères :

Dans les situations complexes, il est inévitable de subir les conséquences de la divergence des critères d’évaluation et de jugement. Une organisation possédant plusieurs parties prenantes, sera critiquée sur une multitude de visions contradictoires, ou du moins différentes, qui mettront l’accent sur différents aspects. Chaque partie voit la réussite selon sa position et ses intérêts. Si ces derniers ne sont pas satisfaits, c’est qu’il n’y a pas d’amélioration « il faut alors virer le manager » pour le remplacer par un autre qui subira le même sort selon le même processus.

Devant une telle pression, il peut être tentant de verser dans le populisme au détriment des intérêts du public et du pays.

Que faire alors ?

Afin que les organisations algériennes puissent avancer dans ces conditions, nous percevons au moins trois pistes. L’une relève de la stabilité stratégique et les deux autres, d’efforts de communication :

La stabilité stratégique :

C’est un fait en Algérie que les organisations publiques en particulier souffrent d’une grande instabilité stratégique. A chaque nouvelle nomination à un poste important, le travail stratégique est réinitialisé (si toutefois il a existé). Et quand on sait le manque de longévité dans les postes stratégiques, nous comprenons en partie pourquoi les projets, même les plus réfléchis n’aboutissent jamais. L’Algérie a besoin de stabilité stratégique. Il faut soit défendre le manager (à la condition qu’il soit à la hauteur de son poste), soit défendre la stratégie en la rendant intouchable (sauf nécessité d’adaptation et de pilotage), à la condition bien sûr qu’elle ait été élaborée sérieusement.

Aligner les attentes sur des objectifs réalistes :

La plus importante difficulté à laquelle une organisation fait face, en matière de communication dans les situations complexes, est la divergence des critères. Il n’est pas possible d’évoluer sereinement, pour une organisation qui travaille sur des aspects négligés voire ignorés par ses parties prenantes. Quelles que soient les réussites réalisées, elles seront perçues comme des échecs.

Il est impératif de choisir entre s’aligner sur les critères des publics interne et externe ou œuvrer pour les convaincre du bienfondé des critères de l’organisation. Continuer à fonctionner avec des écarts considérables fait perdre beaucoup d’énergie et porte une vraie nuisance à l’efficacité de la communication.

Donner une visibilité sur les étapes à venir :

Toujours selon la logique du séquençage, l’organisation doit :  dans un premier temps, démontrer qu’elle est consciente de toutes les tâches à accomplir. Dans un deuxième temps, séquencer les tâches et présenter un calendrier qui prend en compte la nécessité de réaliser des objectifs intermédiaires, dans des délais raisonnables. Dans un troisième temps, situer toute réalisation par rapport à la planification stratégique : ce qui a été décidé, ce qui a été fait, ce qui est en train de se faire et ce qui devra être fait à l’avenir.

En adoptant cette démarche, la confiance des parties prenantes se construira graduellement. Les promesses de l’organisation seront de plus en plus crédibles et le public externe ainsi que les médias lui accorderont plus de répit et de temps pour travailler.

En conclusion, il est utile de rappeler une citation de Noam Chomsky : « c’est une bonne règle empirique de se méfier des solutions simples face à des problèmes complexes ». Les pistes proposées dans cet article doivent être évaluées, discutées et approfondies. Une chose est certaine cependant : l’organisation algérienne moderne devra évoluer pour mieux appréhender les défis de son univers de plus en plus complexe.

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