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La fonction communication au sein des entreprises. Entrevue avec le professeur Thierry Libaert

A travers ses ouvrages, ses articles et ses nombreuses activités académiques et professionnelles, Thierry Libaert a énormément apporté à la communication des organisations. Dans cette courte interview, il a eu l’amabilité de répondre à nos questions autour de l’organisation de la fonction Communication au sein de l’entreprise.

Mohamed Cherif Amokrane: Le livre de référence La communication interne des entreprises, que vous avez signé avec Nicole d’Almeida, cite quatre possibilités concernant l’organisation de la fonction communication, au sein de l’entreprise. Quel rôle doit jouer la culture d’entreprise dans ce choix?

Thierry Libaert: Elle est centrale à condition qu’elle soit bien définie. A titre d’exemple, il est pertinent que la communication interne soit rattachée à la direction des ressources humaines dans des entreprises qui ont une culture du conflit et doivent en permanence négocier avec les organisations syndicales. Dans ce cas, la communication interne se rapproche d’une communication sociale et le rattachement aux ressources humaines est pertinent. Une entreprise familiale, ayant une longue histoire centrée sur la personne de son fondateur peut aussi avoir un intérêt à ce que la communication interne soit rattachée au dirigeant. La culture est donc très importante dans le choix de l’organisation, mais ce n’est pas le critère déterminant de l’efficacité. Celle-ci est conditionnée par l’absence de rivalité entre les principales directions concernées : communication interne, communication externe, ressources humaines. En clair, la communication de l’entreprise fonctionnera bien si les personnes en charge de la communication réussissent d’abord à communiquer entre elles.

MCA: Puisque chaque mode d’organisation de la fonction communication possède ses avantages, serait-il pertinent / possible de restructurer l’entreprise en fonction des stratégies du moment?

TL: Certainement pas. La communication a besoin de stabilité. Un grand problème que rencontrent beaucoup d’entreprises est d’être dans une spirale de changement et de restructuration permanente. Il est préférable d’avoir un cadre stable, bien sûr en étant capable de le faire évoluer, mais une succession de stratégies qui se traduirait par un renouvellement fréquent des structures est à déconseiller.

MCA: Les entreprises algériennes tendent plus à confier toutes les formes de communication, à part la communication RH, à des profils Marketing. Selon vous, qu’est-ce que cela implique sur le plan stratégique?

TL: Même dans la fonction RH, les profils marketing tendent à être de plus en plus présents ! Il suffit de constater les publications et colloques autour du terme de marketing social ou la transformation de la communication de recrutement en communication de marque employeur (employer branding) pour s’en convaincre. Le marketing a beaucoup apporté à la communication corporate, c’est une école de rigueur et elle a permis de mieux piloter la communication grâce à l’apport d’indicateurs de mesure et à la mise en œuvre de tableaux de bord. L’inconvénient est que le plan de communication a eu tendance à se transformer trop rapidement en plateforme de marque, qui était trop souvent un simple décalque d’une approche marketing liée à un produit ou à une marque pour l’ensemble de la communication d’entreprise. C’est oublier qu’une entreprise ne se réduit pas à une marque, c’est avant tout des hommes et des femmes, une histoire, une identité et des relations.