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Le rêve algérien

Il était une fois un jeune algérien, sans qualifications, sans repères, sans travail, parfois sans espoirs…mais avec cent problèmes. Un jour il décide de s’en sortir…

D’emblée, il écarte les « solutions » extrêmes : la périlleuse aventure des harragas, la délinquance, la violence, l’immolation, la corruption…Il se fixe l’objectif d’avoir une vie honnête et raisonnable, Il décide de trouver un travail.

Il commence à chercher parmi ses amis qui ont des emplois. Il leur demande un coup de pouce pour qu’il soit intégré dans l’une de leurs entreprises. Les pauvres, ils se trouvent tous en bas de la hiérarchie, ils n’ont pas de mot à dire, certains n’ont jamais rencontré leurs supérieurs. Mais ils ont trop honte pour le dire dans le quartier, sinon leurs multiples mensonges de plusieurs années les rattraperaient. Ils lui disent tous « matkassarche rassek » (ne te casse pas la tète), ils lui font perdre des mois à attendre le recrutement promis, jusqu’au jour où ils lui disent, à peu près tous la même chose : « mon ami tu n’as pas de chance ! Tu étais sur le point d’être recruté mais quelqu’un d’influent est arrivé à la dernière minute, et a imposé le recrutement de son fils… »

Déçu, le jeune algérien passe des mois à se lamenter sur son sort. Après tout il est passé si près du but ! Il ne veut pas se rapprocher, lui-même, de quelques entreprises pour se faire recruter. Il est persuadé que de toute manière, elles ne recrutent que des belles filles ou ceux qui jouissent d’un sérieux soutien.

Cette situation dure tellement longtemps qu’il s’y habitue, mais un jour il se fait rattraper par son âge, la situation sociale de sa famille, sa vie qu’il déteste de plus en plus…Il se convainc alors, enfin, de trouver par ses propres moyens un emploi. Là il apprend qu’il lui faut un CV ! Heureusement qu’au bout d’une dizaine de jours il arrive à le récupérer chez un copain qu’il le lui rédige avec une orthographe massacrée, peu importe puisque le candidat ne s’en rend pas compte.

Il commence à frapper à 1001 portes. Des entreprises algériennes et étrangères, publiques et privées, toutes le jugent inapte à travailler ! Désespéré il revient à ses habitudes qu’il maudit jour et nuit.

Il entend parler d’un système de financement de projets géré par l’état, ça prend un peu de temps, mais il a de bonnes chances de réussir cette fois, lui dit-on, mais soudain il est pris par la peur et il se dit, à juste titre d’ailleurs, « comment je peux gérer une entreprise alors que personne ne m’a jugé apte à travailler dans une entreprise ? » On le rassure tout de suite en lui disant que personne ne rembourse son crédit, donc tout ce qu’il recevra comme aide financière, sera un pur gain pour lui. Il commence les démarches ultra-bureaucratiques pour recevoir « sa part du gâteau » et au bout d’une année il est chef d’entreprise !

Il a pris un énorme crédit, qui oblige son entreprise à réaliser un chiffre d’affaire d’au moins 5 millions de dinars par an ( oui, finalement il devra payer ses dettes). Son projet, il l’a choisi dans une nomenclature exhaustive qui comporte toutes les activités permises. Mais il ne savait pas que beaucoup d’autres jeunes algériens ont fait le même choix que lui, ce sont ses concurrents directes, certains sont même très proches de lui géographiquement…

Pour le jeune algérien, cette histoire peut se terminer de plusieurs manières négatives pour lui ou pour son pays. A vous d’imaginer les différentes fins possibles.

Publication initiale:
http://www.algerie-focus.com/amokrane/2012/10/05/le-reve-algerien/

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