La Fiat 500 est considérée comme une icône à l’échelle internationale. C’est une voiture à l’histoire longue et riche et qui a accompagné, à travers ses différentes versions, plus d’une génération. Mais peut-on considérer aujourd’hui que la perception du public algérien s’aligne sur celles des publics occidentaux ?
D’abord, que veut-on dire par le terme « Icône » ? D’un point de vue purement sémiologique l’icône est un signe visuel qui ressemble à ce qu’il désigne (le référent). Mais dans le langage populaire et médiatique, le terme désigne plutôt un objet ou une personne avec un grand potentiel d’évocation. C’est-à-dire, une entité possédant une grande richesse intangible ; cela fait qu’en l’évoquant on convoque de multiples idées et souvenirs. De ce point de vue, la Fiat 500 est une icône pour les publics qui possèdent ces souvenirs et qui sont capables de les relier au modèle de voiture. Mais ce n’est pas une caractéristique qu’on décrète. Autrement-dit, il faut la construire à travers une communication adaptée et non des slogans abracadabresques.
Pourquoi cherche-t-on à en faire une icône ? Car la valeur intangible associée à la voiture fait que le public perçoive son prix relativement élevé comme étant justifié. Pour le moment, la Fiat 500 est perçue comme une voiture chère et j’imagine mal les algériens l’acheter massivement s’ils ont d’autres choix. Je ne reviendrai pas ici sur le mauvais départ de Fiat El Djazair, qui a manqué une chance inouïe de se construire une réputation solide sur le marché algérien – car ayant l’exclusivité médiatique et commerciale durant pas moins de cinq mois jusqu’à présent – je préfère plutôt rester sur le sujet de « l’icône », objet du présent billet. A ce propos, il y a un fait important qui mérite d’être souligné : il n’est jamais trop tard d’enrichir sémantiquement un produit au point de le rendre « iconique ». D’ailleurs, c’est ce que Fiat continue à faire à l’international notamment à travers le partenariat avec la célèbre vedette Leonardo DiCaprio. Cependant, en Algérie, la production visuelle autour des différents modèles est d’une étonnante pauvreté. Par exemple, si vous visitez la chaine YouTube officielle vous ne trouverez qu’une seule vidéo…il n’est pas possible de construire une icône sans un contenu visuel riche.
Mais la question qui me semble importante et à laquelle il est difficile de trouver une réponse simple c’est : est-ce que le public algérien, vu la situation actuelle du marché, peut être sensible à cet enrichissement sémantique ? J’en doute fortement, car pour le moment la grande majorité des clients est dans la logique fonctionnelle qui consiste à satisfaire un besoin pressant et qui attend depuis des mois, voire des années. C’est donc une posture purement rationnelle et qui cohabite difficilement avec la dimension symbolique. Peut-il par contre être réceptif à cette dernière ? La réponse est oui. Puisque rien n’empêche la fabrication de perceptions qui peuvent jouer un rôle dans le futur.
De toute évidence, Fiat El Djazair devrait axer ses efforts sur l’amélioration de sa qualité de service et sur la « réparation » de la confiance perdue à cause du mauvais départ commercial (l’entreprise a besoin d’un message fort qui prouve au public qu’il y aura une vraie rupture avec le récent passé). Ce sont des constituants incontournables de sa réputation et sans lesquels il est impossible de construire une quelconque « icône ». En parallèle, il faut produire une communication, surtout visuelle, autour de la marque et commencer à la distiller progressivement à mesure que le public pivotera de la posture purement rationnelle vers une posture mixte : le côté rationnel demeura, car l’achat d’une voiture est une lourde décision, mais il sera complété par la subjectivité du public. Cela interviendra vraisemblablement, quand la tension sur le marché de l’automobile diminuera et quand les algériens pourront choisir parmi différentes marques.
Fiat El Djazair est en face de grands défis stratégiques, pourra-t-elle redresser la barre avant la réintroduction des marques européennes et asiatiques, traditionnellement beaucoup mieux introduites en Algérie ? L’avenir nous le dira.