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O’Bimo, une erreur stratégique de Bimo?

En lisant certains commentaires concernant le nouveau produit « O’Bimo », j’avoue que je suis resté assez mitigé face aux arguments avancés : des analystes nostalgiques ont défendu leur représentation d’une marque emblématique. Le débat est légitime mais nécessite une bonne dose d’objectivité.

Bimo, l’entreprise algérienne créée au début des années 80 a accompagné l’enfance et la jeunesse de toute une génération. Durant une période où l’offre se limitait à quelques marques de biscuits et de chocolats, elle a apporté un souffle de nouveauté et de qualité sur le marché algérien. Après la montée progressive de l’importation durant les années 90 et son explosion dans les années 2000, Bimo était confrontée à de grands défis : entre produits importés et produits fabriqués localement, le marché offre désormais un large éventail de choix. Des percées remarquables ont été réalisées par certaines marques. A leur tête, « Maxon » qui offre une large gamme de chocolats et de biscuits fortement appréciés.

Lorsqu’en 2016 j’écrivais un bref billet intitulé « Bimo, le mythe d’une réussite », je reprochais à la marque de ne pas tenir compte des enjeux de son marché : « Pourtant, cette entreprise devrait s’inquiéter de l’agressivité d’une concurrence qui gagne de plus en plus de terrain, et du “vieillissement” de sa clientèle traditionnellement acquise. Pour moi, il semble très clair que Bimo disparaitra dans une décennie ou deux, si ses dirigeants ne revoient pas leur modèle de gestion.» La présence de la marque sur les réseaux sociaux dévoile des efforts d’alignement sur la culture de la nouvelle génération. A court terme, c’est une approche qui paye. Les jeunes consomment du Bimo et les produits sont présents dans tous les commerces.

Le lancement du nouveau produit O’Bimo semble avoir été bien accueilli. Bimo n’est pas la première marque à créer un biscuit « façon Oreo ». Pour ne citer que des exemples connus localement, Maxon et Gullón l’ont déjà fait sans susciter de réactions négatives. Mais certains commentaires reprochent à la marque de s’être éloignée de son ADN. Il s’agit d’une perception qui mérite respect et considération. Après tout, une marque appartient à ses consommateurs et s’ils sentent un changement par rapport aux valeurs qu’ils apprécient cela ne doit pas être négligé.

Ce dilemme devant lequel se trouve Bimo aujourd’hui me rappelle l’affaire Nike / Kaepernirck. En 2016, le joueur vedette de la NFL déclenche une énorme polémique lorsqu’il décide de prendre position face aux violences policières contre la communauté afro-américaine. Beaucoup ont salué son geste symbolique (genou à terre durant l’hymne américain). D’autres l’ont trouvé antipatriotique. La polémique a raisonné tellement que le joueur l’a payée de sa carrière. Au milieu de toute cette tempête, aucune marque ne pouvait se risquer à s’afficher avec lui… sauf Nike qui a décidé de maintenir ses contrats. La campagne « Believe in something. Even if it means sacrifing everything » a relancé la controverse sur les réseaux sociaux, de nombreuses personnes se filment quand elles brulent leurs chaussures Nike. Etait-ce une surprise pour la marque ? Certainement pas. Alors qu’est ce qui l’a emmenée à un tel choix ? Nike a choisi son camp et a défini les valeurs qu’elle voulait défendre. Elle savait qu’elle allait perdre à court terme, mais à long terme elle a misé sur les générations montantes qui elles, soutenaient la démarche de Kaepernick. Lorsqu’on comprend cela, on s’aperçoit qu’il n’y avait aucune prise de risque mais plutôt un investissement sur le futur.

A l’image de Nike, Bimo doit aujourd’hui faire un choix : miser sur la nouvelle génération et s’inscrire dans ses codes culturels ou bien s’appuyer sur son authenticité propre et ainsi valoriser son héritage. Si ce choix semble obligatoire, c’est parce que le récit de la marque a créé une rupture entre les générations. D’une part, nous avons les nostalgiques qui se nourrissent des succès du passé. D’autre part, nous avons les jeunes qui ne perçoivent pas Bimo à travers son histoire. Mais à moyen terme, il est possible de construire une autre réalité celle de la marque qui réussit l’équilibre entre son héritage et son dynamisme.

Alors, est-ce que le lancement d’O’Bimo est une erreur stratégique ? A mon avis la réponse et non. Car le vrai manquement se trouve ailleurs, dans le fait que les fondamentaux de la marque n’aient pas reçu suffisamment de considération.  Et tant que la réflexion ne se sera portée sur un branding capable de traverser les générations en préservant l’authenticité, la marque demeurera sujette à des incompréhensions et risque de provoquer des dissonances à chaque nouveau lancement.