La gestion des risques et la gestion des crises sont des disciplines distinctes, essentielles et complémentaires. Dans l’organisation algérienne, où elles sont encore peu connues et peu comprises, il arrive souvent qu’elles soient confondues. Les confondre est dangereux. Cela revient à traiter l’une avec les outils de l’autre.
Les raisons de la confusion entre risque et crise sont nombreuses, parmi elles :
- Les ouvrages consacrés à chaque discipline abordent souvent les deux : les ouvrages traitant de la crise évoquent la gestion des risques et ceux traitant des risques abordent à leur tour la gestion de crise.
- De nombreux cursus universitaires et programmes de formation couvrent les deux champs en même temps.
- La gestion de chacun des deux disciplines est généralement confiée aux mêmes personnes ou structures dans les organisations.
- Les concepts mêmes de crise et de risque sont incompris et amalgamés.
Que ce soit dans la littérature, chez les universités et même dans la pratique au sein des organisations, ces disciplines sont jumelées. Il est alors légitime de se demander pourquoi chercher à les séparer ?
Avant de répondre à la question, rappelons les définitions de chaque concept. « Le risque est l’effet de l’incertitude sur les objectifs »*. Alors que « la crise intervient dans une organisation quand un changement dans son environnement interne et/ou externe provoque un impact important au point où elle devient incapable d’accomplir sa mission ou de maintenir son fonctionnement normal, et que ses mécanismes de fonctionnement normaux ne lui permettent pas de s’adapter à son environnement modifié assez rapidement pour éviter des dommages importants. »**
Les deux disciplines doivent miser sur l’anticipation et les deux interviennent une fois que l’événement se produit. Mais les logiques d’intervention ne sont pas les mêmes :
- Pour le gestionnaire de risques : il anticipe à travers la prévention qui a pour finalité d’éviter la survenance de l’incident à risque ; et quand cela est impossible, il agit par protection face aux impacts du risque.
- Pour le gestionnaire de crises : il anticipe surtout l’éventualité où le risque se concrétise (souvent malgré les efforts du gestionnaire des risques). Une fois que le risque se concrétise et que ses conséquences dépassent le fonctionnement normal de l’organisation. Son action en aval consiste à réinventer les modalités de gestion et à faire fonctionner le système dans un environnement modifié voire dégradé. Cela sans oublier que beaucoup de crises ne peuvent mêmes pas être imaginées.
Dans l’idéal, le gestionnaire des risques est une personne méticuleuse, rigoureuse et très attachée aux procédures et aux règles en général ; il est capable de maintenir sa concentration et sa motivation sur de longues périodes même s’il effectue de nombreuses tâches routinières (à la l’université, il était assidu et aimait réviser ses cours et réaliser ses travaux au fur et à mesure). Alors que le gestionnaire des crises, serait plutôt à l’aise dans le chaos et le désordre il adore sortir des sentiers battus et préfère l’innovation comme mode de résolution des problèmes. Il a une grande capacité à travailler sous pression. Rester vigilant et mobilisé en temps de calme est un défi pour lui (à l’université, il avait beau essayer de préparer ses examens à la l’avance, mais il ne trouvait la motivation qu’à leur approche).
Au 06 mars 2024, une nouvelle loi (24/04) portant sur différentes formes de gestion des risques de catastrophes, est promulguée en Algérie. Il s’agit d’une mise à jour importante et qui apporte un certain nombre de points positifs, notamment l’intérêt accordé à la formation dans les cursus universitaires. La gestion des crises de son côté, n’est cadrée et n’est soutenue par aucune loi ; c’est un peu compréhensible vu que le texte dont nous parlons accorde une priorité aux interventions de l’Etat face aux catastrophes qui souvent impactent directement la vie des personnes et leur environnement.
Si le jumelage, au sein des organisations algériennes, entre la gestion des risques et celle des crises est compréhensible et parfois nécessaire (vu que les fonctions sont naissantes, et que les moyens sont limités), il ne faut pas qu’il en résulte un amalgame ou une domination d’un domaine sur l’autre. C’est ce qui est arrivé lorsque le marketing et la communication ont été confiés aux mêmes personnes et structures dans les organisations. Selon les profils, un marketeur a tendance à négliger les considérations de communication (notamment les RP), alors que le communicateur (ou le relationniste) risque de négliger les considérations de marketing, chacun privilégiant son propre domaine et sa zone de confort.
Il est certes satisfaisant que des domaines aussi importants que la gestion des risques et la gestion des crises commencent à recevoir de l’intérêt et de la considération dans notre pays. En même temps, il faudra tout faire pour leur éviter un mauvais départ qui consacrera de mauvaises croyances et pratiques qui seront difficiles à corriger par la suite.
(*) Norme ISO 31000
(**) « Gestion et communication de crise, les outils clés et les attitudes gagnantes »