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Covid-19 : le danger de l’hyperréactivité aux chiffres

Les indicateurs de performance, les fameux KPI (Key Performance Indicator), doivent jouer un rôle important dans le pilotage stratégique, surtout dans les crises sanitaires de grande ampleur. Ils permettent une gestion dynamique et des réajustements en cours de route. Mais les indicateurs existent pour cadrer les stratégies et non pour les annuler.

Dans la crise engendrée par le Covid-19, les chiffres liés aux infections, aux guérisons et aux décès, sont considérés, à juste titre (même si d’autres données peuvent aussi être retenues), comme des indicateurs incontournables de l’évolution de la situation dans  notre pays…mais attention à l’hyperréactivité qui fait perdre le cap.

Quand l’organisation navigue dans l’espace stratégique, elle doit savoir exactement où veut-elle aller ? Mais si les indicateurs existent c’est pour la pousser continuellement à reconsidérer ses choix. Elle se retrouve donc devant une situation contradictoire : garder le cap ou le changer selon les indicateurs ? Le fait de garder le cap sans considération aux KPI, produit un comportement rigide et ne permet de saisir aucune opportunité, ni d’éviter la moindre menace. Dans le cas contraire, suivre les indicateurs en oubliant le cap que l’organisation se donne au départ, c’est ne plus avoir de stratégie. Comment alors trouver le juste équilibre ? Il faut définir des seuils aux indicateurs. Cela va permettre de savoir à quel degré le changement peut mettre en péril la stratégie et à quel degré on peut continuer à avancer vers le cap fixé en amont. C’est comme un navire qui subit les caprices de la mer pour atteindre sa destination : le commandant aguerri sait quelles vagues il faut éviter ou contourner, quelles vagues il peut traverser et quelles tempêtes lui font changer toute la feuille de route.

Pour revenir à la crise du Covid-19, les indicateurs doivent être traités avec la plus grande prudence, notamment sur le plan médiatique. Regardons cet exemple tiré d’un article du journal El Watan : « Mai a débuté avec un signe d’espoir avant que le 7 du même mois le signal repasse au rouge. 21 cas d’un coup, dont une fillette, et un nouveau décès, allongeant la liste des contaminés à 177 et 18 morts déplorés dans la wilaya. Le lendemain, vendredi, la situation redonne une nouvelle fois espoir lorsque la direction de la santé a annoncé n’avoir enregistré aucun nouveau cas dans toutes les structures sanitaires de la wilaya. » Cette précipitation dans les jugements espoir/désespoir, que l’on constate chez les médias et au sein de la société est dangereuse, car non seulement elle est infondée d’un point de vue rationnel, mais elle induit un relâchement. La peur est un levier important pour susciter la rigueur et la vigilance. S’il est légitime de vouloir s’en débarrasser, faisons en sorte que ce soit sur des bases pertinentes.

Alors qu’on parlait de retour au confinement dans certaines régions d’Allemagne, un seuil bien précis a été fixé par les autorités : 50 cas en moyenne par 100 000 habitants, durant 7 jours par zone. S’il est atteint (le seuil), le cap stratégique devra changer, sinon ils vont continuer à gérer dans la même direction. C’est un bon exemple de seuils pour les indicateurs. Avec une telle clarté, les stratégies peuvent être dynamiques tout en gardant leur substance. En plus, les grandes décisions peuvent se construire sur des critères objectifs définis en amont.

L’hyperréactivité aux chiffres affecte directement la psychologie et le comportement des citoyens. Les « bonnes nouvelles » doivent toujours être accompagnées par des messages de vigilance, tant que le risque de « rechute » existera. Les médias de leur côté, sont appelés à plus de retenue et de compréhension des phénomènes que vit la société, en ces temps troubles.